BIOGRAPHIE

FRANÇAIS

Emergence, émergence ! Non Zenzile n’a pas une gueule d’émergence. A une époque où il faudrait se précipiter sur le EP du moindre nouvel artiste porté par un buzz éphémère, le quintet angevin propose quelque chose de bien plus précieux : une carrière. Vingt ans et des poussières au service d’une musique personnelle, matérialisés par dix albums (plus quelques hors séries) à la tenue exem- plaire. Un parcours presque sans fausse note ponctué de précieuses rencontres (Jamika, Sir Jean, Tricky, Paul St Hilaire, Winston McAnuff, Vincent Segal...) qui contribuèrent à enrichir une œuvre initialement dépourvue de voix.
Car à l’origine de Zenzile était le dub, cette version instrumentale du reggae, invention de sorciers jamaïcains du son, truffée d’écho, de delay et de reverb. En compagnie de quelques autres (Im-provisators Dub, High Tone, Brain Damage...), Zenzile en a creusé les fondations en France, avec singularité. Son dub à lui, ample et cinématographique, est joué live, avec basse, batterie, claviers, guitare et saxophone. Au fil des ans et des disques, le groupe, tous ses sens en éveil, n’a cessé de faire évoluer le genre musical en allant fricoter du côté du rock (progressif ou pas), de l’électro, de la new wave, du funk-punk ou du krautrock. Jusqu’à presque totalement faire disparaître le dub sur l’album Elements (2017).

A l’heure où les sound systems fleurissent partout et où de jeunes pousses triturent à tout va le dub digital, il était temps pour les pionniers angevins de revenir aux fondamentaux. Plus unis que jamais, ils reprennent donc la main avec un magnifique 11e album. Sur le modèle des trois EPs 5+1 enregistrés avec Jamika (2000), Sir Jean (2002) et Vincent « Cello » Segal (2003), Zenzile meets Jay Ree rappelle que le quintet est plus que jamais LA référence de cette scène. Le choix de Jay Ree répond à une logique évidente. « Recruté » pour l’album Electric Soul (2012), et la tournée qui s’en suivit, il avait apporté de nouvelles couleurs grâce à un impressionnant éventail vocal. Il est sans doute le meilleur chanteur avec lequel Zenzile a collaboré. Il suffit d’écouter comment il se fond sur les nou- velles compositions du groupe. Dès 4000 Years, premier single extrait de l’album, il montre l’étendu de sa palette, porté par le skank tranchant de la guitare et le ronflement de la basse. Et la suite relève du même très haut niveau : avec vibrato façon Horace Andy sur un So Good So Far au riddim pachydermique rappelant lointainement Roots & Culture, le classique de Mickey Dread ; en version crooner jamaïcain à la voix gorgée de soul sur Stay Close to me ; en spoken word sur Disconnected, titre évoquant le dub à l’étouffée des Berlinois de Rhythm & Sound, mais digéré par Zenzile.

Magistrales, les compositions de ce nouvel album le sont assurément. Mais ce qui éblouit plus que tout, c’est le travail de mixage. Sur les cinq chansons mais surtout sur les versions dub qui suivent chacune d’elle. Ça faisait longtemps qu’on n’avait entendu Zenzile aussi époustouflant dans sa façon de marier effets d’hier et d’aujourd’hui, de jouer de la chambre d’écho vintage, de glisser une dose homéopathique d’autotune, et de nous régaler de mises en avant d’un couple basse-batterie plus fusionnel que jamais.
A trop s’éloigner du dub, celui-ci a fini par manquer à Zenzile, comme Zenzile a manqué au dub. On sent aujourd’hui, dans l’énergie développée sur ce quatrième 5+1, que ça démangeait Mathieu, Raggy, Werner, Vince et Alex d’y revenir. Ils l’ont fait de la plus belle des manières, en associant une fougue de débutants à un savoir-faire digne de vieux producteurs jamaïcains. Zenzile est de retour, avec Jayree et Jamika (sur scène) et l’on va voir qui sont les vrais patrons du dub en France.

Frédéric Péguillan

ENGLISH

Emergence, emergence! No Zenzile does not have an emergence vibe. At a time when it would rush to the EP of any new artist carried by an ephemeral buzz, quintet Angevin (french city) offers something much more valuable: a career. Twenty years and dust in the service of a personal music, materialized by ten albums (plus some out of series) with the exemplary behavior. A course almost without false note punctuated by precious meetings (Jamika, Sir Jean, Tricky, Paul St Hilaire, Winston McAnuff, Vincent Segal ...) who contributed to enrich a work initially void.

Originally Zenzile was the dub, this instrumental version of reggae, invention of Jamaican sorcerers of sound, full of echo, delay and reverb. In the company of some others (Improvisators Dub, High Tone, Brain Damage ...), Zenzile has dug the foundations in France, with singularity. His dub to him, ample and cinematographic, is played live, with bass, drums, keyboards, guitar and saxophone. Over the years and records, the group, all its senses awake, has continued to evolve the musical genre by going crazy on the side of rock (progressive or not), electro, new wave, funk-punk or krautrock. Until almost completely remove the dub on the album Elements (2017).

At a time when sound systems are blossoming everywhere and where young shoots triturate digital dub all the time, it was time for the pioneers Angevin to return to fundamentals. More united than ever, they resume the hand with a beautiful 11th album. Following the model of the three 5 + 1 EPs recorded with Jamika (2000), Sir Jean (2002) and Vincent «Cello» Segal (2003), Zenzile meets Jay Ree reminds us that the quintet is more than ever THE reference of this scene. The choice of Jay Ree follows an obvious logic. «Recruited» for the album Electric Soul (2012), and the tour that followed, he had brought new colors with an impressive vocal range. He is undoubtedly the best singer with whom Zenzile collaborated. Just listen to how it is based on the new compositions of the group. From 4000 Years, the first single from the album, he shows the extent of his palette, carried by the sharp skank of the guitar and the hum of the bass. And the sequel comes from the same very high level: with Horace Andy vibrato on a So Good So Far pachydermic riddim far reminiscent of Roots & Culture, the classic Mickey Dread; in Jamaican crooner version with a sip of soul on Stay Close to me; in spoken word on Disconnected, a title reminiscent of Rhythm & Sound’s dub in Berlin, but digested by Zenzile.

Magistrales, the compositions of this new album certainly are. But what dazzles more than anything is the work of mixing. Of the five songs but especially the dub versions that follow each of them. It had been a long time since we had heard Zenzile so breathtaking in her way of marrying effects of yesterday and today, playing the vintage echo chamber, sliding a homeopathic dose of autotune, and we feast of highlights of a lower-battery couple more fusional than ever. Too far from the dub, it eventually missed Zenzile, as Zenzile missed the dub. One feels today, in the energy developed on this fourth 5 + 1, that it itched Mathieu, Raggy, Werner, Vince and Alex to return there. They did it in the most beautiful way, combining a passion of beginners with a know-how worthy of old Jamaican producers.
Zenzile is back, with Jayree and Jamika (on stage) and we will see who are the real bosses of the dub in France.

Frédéric Péguillan